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Le régime de l’action en comblement de l’insuffisance d’actif en droit des procédures collectives . Docteure Fadoua MASSOUDI


  Le régime de l’action en comblement de l’insuffisance d’actif en droit des procédures collectives . Docteure Fadoua MASSOUDI


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Docteure Fadoua MASSOUDI

Docteur en droit privé

Le régime de l’action en comblement de l’insuffisance

d’actif en droit des procédures collectives

 Introduction

L’entreprise en tant que partie prenante essentielle dans le processus de production, de circulation et de consommation des richesses, donc des activités humaines liées au bien-être économique et social des individus et des groupes, n’est jamais à l’abri d’incidents de parcours pouvant mettre en question sa pérennité. La survie de cette structure économique étant menacée, tout l’ordonnancement de l’ordre juridique se trouve troublé, des créanciers perdent tout ou partie de leur emploi, des fournisseurs perdent leur débauche, des institutions publiques perdent une source de contribution ...[1]Alors lorsqu’on parle d’une entreprise en difficultés, une inquiétude commune apparaît celle de sa disparition pour des causes diverses : financières, structurelles, humaines, juridiques.
En effet la plupart des sociétés connaissent aujourd’hui des difficultés, certes de leurs statuts mais aussi de l’incompétence de leurs dirigeants et dans une bien moindre mesure de leur malhonnêteté, ce comportement nous ramène à la notion de faute de gestion.
A cet égard le législateur marocain a établi, à travers les dispositions du livre V du code de commerce une politique qui prend en considération les circonstances de l’entreprise et de l’entrepreneur. Elle protège, d’une part les entrepreneurs endommagés par la concurrence et par les transformations technologiques et les crises économiques, ceci       afin de permettre aux entreprises de subsister et de jouer leur rôle dans le développement économique, mais en parallèle un régime répressif voué à dissuader tout acte et agissement découlant de la faute de gestion ou des manœuvres frauduleuses des dirigeants engendrant les difficultés financières. [2].
Dans le schéma de l’ancien code de commerce de 1913, on révèle l’absence d’un titre réservé aux sanctions, ainsi que l’absence d’une vision globale responsabilisant le dirigeant à plusieurs niveaux. La philosophie de ce code inspiré du code napoléonien de 1804 était largement focalisée sur les commerçants personnes physiques, perçues comme agissant contre les intérêts des créanciers, éventuellement en organisant leurs faillites, et donc sanctionnables sur le terrain délictuel à travers les incriminations de la banqueroute.[3]
Inversement à ce que se produisait sous l’empire de l’ancienne loi de commerce de 1913, la nouvelle loi n° 73.17 [4]modifiant le livre V de la loi 15.95 formant code de commerce, a fait de l’intervention judiciaire avant que l’entreprise ne cesse ses paiements un nouvel apport important, lui permettant de mieux jouer son rôle dans la réalisation de la prospérité économique du pays. Dans ce cadre, le législateur a opté pour une politique d’accompagnement de l’entreprise au lieu de l’assainissement des commerçants défaillants.
Dans certaines hypothèses, le dirigeant d’une société en difficulté est susceptible de voir exercer à son encontre une action dont l’objet est de lui faire supporter tout ou partie du passif de la société : il sera alors tenu pour responsable de tout ou partie de l’insuffisance d’actif[5].
En effet, aux termes de l’article 738 du code de commerce : « lorsque la procédure concernant une société commerciale, fait apparaitre une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que cette dernière sera supportée, en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants ou seulement certains d’entre eux, cette action appelée, l’action, en comblement expose les dirigeants à des conséquences patrimoniales importantes. Aux termes de cette introduction une problématique qui s’impose à l’évidence et celle de savoir qu’il est le régime juridique de cette action et ces effets, pour répondre à cette problématique, nous allons adopter le plan suivant. 
Partie I : les conditions de l’action en comblement de l’insuffisance d’actif.
Partie II : Réalité des pratiques actuelles face à l’action en comblement et résultats de l’action.
Partie I : les conditions de l’action en comblement de l’insuffisance d’actif.
L’article 739[6], du code de commerce permet la réparation du dommage subi à la suite d’une faute commise par le dirigeant.
Aussi la condamnation au comblement de passif suppose t’elle la réunion de trois condition)
-        L’insuffisance d’actif (I) condition sine qua non de l’action en comblement, elle répond dans le régime de droit commun au dommage subi.
-        La faute de gestion (II ), et cela dans la simple attitude fautive du dirigeant.
-        Le lien de causalité (III) qui se singularise par certaines particularités et qui donne lieu à la constatation d’une action en réparation du dommage subi « l’action en comblement de l’insuffisance d’actif » malgré que la pratique jurisprudentielle en la matière reste rare (IV).
I- L’insuffisance de l’actif
L’action en comblement de passif serait une lettre morte sans l’existence d’un préjudice pour les créanciers, qui ne traduit pas une insuffisance d’actif. L’article 739 dispose dans sa formule que « lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire fait apparaître une insuffisance d’actif… ».
Peu de difficultés surgissent sur ce point, notamment sur sa définition (1), son domaine (2) ainsi qu’à sa détermination (3).
1-Définition :
En l’absence d’une définition légale, la doctrine s’accorde[7] pour considérer que l’insuffisance d’actif existe si le passif est supérieur à l’actif.
Plus précisément, celle-ci résulte d’un déséquilibre entre le passif externe de l’entreprise et l’actif dont elle dispose au jour où le juge est saisi[8].
En théorie, l’insuffisance désigne la différence négative entre le passif admis et la valeur estimée ou de réalisation, de l’actif de l’entreprise[9] c'est-à- dire que l’insuffisance existe si le passif est supérieur à l’actif [10]. Le passif est constitué par toutes les créances vérifiées et admises. L’actif ne doit pas être déterminé uniquement en fonction de l’actif disponible, d’autres valeurs entrent en ligne de compte : en effet en cas de redressement judiciaire, la valeur du patrimoine social doit être prise en considération, en cas de liquidation c’est plutôt la valeur de la réalisation.
La preuve de l’existence d’une insuffisance d’actif, laquelle s’apprécie au regard de la situation globale du passif et de l’actif de la société à  la date à laquelle le dirigeant a cessé ses fonctions, il est ainsi nécessaire de préciser le montant de l’insuffisance d’actif à la date à laquelle la condamnation est prononcée, la condamnation du dirigeant ne pouvant excéder ce montant[11]

 Les dettes nées après le jugement d’ouverture la détermination de l’insuffisance d’actif pouvant être mis à la charge des dirigeants sociaux[12].
 
1-  Domaine d’application
Comme nous l’avons déjà indiqué, le dommage nécessaire à la mise en œuvre de l’art 738 est une insuffisance d’actif, c’est à dire qu’il n’y a pas assez de fond dans le patrimoine de la société pour rembourser toutes les créances, de telle sorte qu’une fraction de ces créances ne sera pas satisfaite à échéance[13].
Reste que le déclenchement d’une procédure collective peut aboutir à plusieurs possibilités où l’article 738 ne permet pas de voire claire.
Dans le cadre d’une cession totale d’entreprise et encore plus d’une liquidation judiciaire, l’article 738 jouera car les créanciers ne seront pas payés dans leur intégralité, La condition d’une insuffisance d’actif sera établie.
Les difficultés apparaissent dans le cadre d’un plan de continuation, car on suppose ici que les créanciers vont être payés[14], grâce aux délais consentis par le tribunal ou aux remises qu’ils ont consenti eux-mêmes, à ce moment-là l’action ne pourra pas être exercée faute d’une insuffisance d’actif.
A notre sens, la solution n’est pas aussi tranchée car l’art 738 prévoit expressément, l’action en cas de continuation de l’entreprise. Les termes sont trop vagues. N’aurait-il pas fallu préciser dans cet alinéa que l’action ne pourra être menée que dans le cadre d’une continuation pure et simple.
Enfin, il faut remarquer que le tribunal va accorder des délais, ce qui suppose des remboursements échelonnés dans le temps qui sont un préjudice pour les créanciers et notamment pendant la procédure judiciaire avec l’arrêt du cours des intérêts. Ce préjudice ne peut pas être pris en considération pour intenter une action en comblement d’insuffisance d’actif, car cette dernière repose sur le défaut de paiement des créances, de telle sorte que tout autre préjudice lui est complètement étranger[15].
En conclusion, il faut admettre qu’aucune action ne sera possible dans le cadre d’un plan de continuation pure et simple, celle-ci ne pouvant être exercée que lorsque le plan sera un échec et qu’on lui substituera un plan de cession ou de liquidation judiciaire.
2-  La Détermination de l’insuffisance d’actif
La détermination de l’insuffisance d’actif ne peut être établie qu’après achèvement des opérations de vérification du passif d’une part et fin des opérations de réalisation d’actif d’autre part.
Cependant une jurisprudence constate décide que l’action est recevable même si ces opérations ne sont pas terminées, dès lors qu’il apparaît avec évidence que l’actif sera insuffisant pour payer le passif [16] il suffit que l’insuffisance d’actif soit certaine peu importe que le passif et l’actif soient exactement chiffrés.
Mais cette solution discutable au regard du principe indemnitaire [17] a été remise en cause [18] dès lors que la condamnation ne peut excéder l’insuffisance d’actif (elle peut être inférieure), autrement dit le tribunal malgré son large pouvoir d’appréciation, ne peut en aucun cas faire supporter aux dirigeants fautifs un montant supérieur que la valeur du passif de la personne morale, dans la mesure où cette action ne constitue pas une action en réparation du dommage, mais une action en indemnisation visant à combler l’insuffisance d’actif[19] il est indispensable de déterminer celle-ci, autrement l’existence et le montant de l’insuffisance d’actif sont classiquement appréciés au moment où statue la juridiction saisie sur l’action[20].
Par ailleurs, la jurisprudence déduisait du fait que la faute doit être antérieure au jugement d’ouverture que les créances à considérer devaient l’être aussi, de sorte qu’il n’avait pas lieu en principe de tenir compte dans la détermination de l’insuffisance d’actif des dettes postérieures du débiteur[21]. Alors, l’insuffisance d’actif doit exister dès l’ouverture et non pas résulter d’une continuation déficitaire de l’exploitation. L’importance de cette insuffisance est d’ailleurs différente selon qu’on en détermine le montant avant ou juste après le jugement qui prononce le redressement judiciaire. En effet le dépôt de bilan entraine une accumulation de dettes nouvelles du fait de la résiliation de certains contrats en cours et une dépréciation de l’actif.
Selon Pierre Michel LE CORRE, le fait que certaines créances soient contestées ne peut suffire à écarter l’action en comblement de passif, dès lors que sont supérieurs aux actifs, la contestation de créance n’ayant évidemment pas pour effet d’augmenter l’actif, mais seulement de diminuer le passif. En revanche, le liquidateur ne peut se prévaloir, pour déterminer l’insuffisance d’actif, d’un passif déclaré à titre provisionnel.[22]

II : La faute de gestion
En l’absence d’une définition légale (1) la doctrine et la jurisprudence ont établi plusieurs applications de la notion, toutefois, certains points méritent d’être avancés, notamment, l’équivalence quant à la nature de la faute (2) ainsi que sa preuve (3).
 
 
1-L’absence de définition légale
En l’absence d’une définition légale d’une faute de gestion. Les tribunaux disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour la caractériser, c'est-à-dire pour en établir l’existence, cette dernière se trouve généralement déduite du comportement passé du dirigeant par comparaison à ce qu’aurait été le comportement d’un dirigeant normalement compétent et placé dans la même situation119 l’étude de la jurisprudence (marocaine et française) en la matière permet d’en dégager ces multiples applications.
La faute de gestion doit être obligatoirement caractérisée, elle ne peut être déduite de la seule importance du passif [23]

a-La violation de la loi des règlements ou des statuts :
Selon Pierre Michel LE CORRE, il y a faute de gestion en cas de violation caractérisée des règles relatives à la gestion des sociétés.[24]Dans ce sens, la jurisprudence est très extensive, car la quasi-totalité des décisions du dirigeant ont ou peuvent avoir une incidence sur la gestion. En effet, la gestion largement entendue ne se réduit pas à l’exploitation[25]. Ainsi, la faute de gestion peut résulter aussi de la poursuite d’une exploitation sachant que l’activité est rendue difficile.
L’absence de reconstitution de capitaux propres en cas de perte de la moitié du capital social, la réalisation d’opérations étrangères à l’objet social, la privation de la société de la quasi-totalité de sa trésorerie. Il en sera de même de l’absence de réunion des assemblées d’associés ou du conseil d’administration[26].
b-L ’incurie des dirigeants :
Il est évident que la faute peut résulter d’un acte positif commis par le dirigeant, mais elle peut aussi découler d’une abstention pure et simple[27]. Ainsi il est fréquemment retenu contre les dirigeants de sociétés le retard avec lequel ils ont déclaré la cessation des paiements. De même, commet une faute de gestion du fait de sa passivité le dirigeant qui laisse tous ces pouvoirs, notamment le fait pour un dirigeant du droit de laisser la gestion à un dirigeant de fait.
L’incurie peut ensuite résulter de l’absence de décision du dirigeant, par exemple, le cas pour un dirigeant qui s’était abstenu de mettre en place une structure compétente et des outils de gestion fiables, permettant à la personne morale et à lui-même d’appréhender la situation économique et financière exacte, il en résulte de prendre en temps utile, les mesures de redressement qui s’imposaient en l’espèce. Cette anarchie totale dans la gestion était à l’origine de l’insuffisance d’actif qui avait ainsi pu se créer et s’accroitre sans que le gérant puisse s’en apercevoir.[28] La cour de cassation Française a eu l’occasion de préciser que la désignation d’un mandataire ad hoc, qui ne prive pas le dirigeant de la société débitrice de l’exercice de ses pouvoirs ne le dispense pas de ses obligations[29].
 
c-Faute de gestion résultat d’inobservation d’obligations fiscales
Le non-respect de la législation fiscale constitue une faute de gestion rendant possible la condamnation à combler le passif. Il en est ainsi par exemple de l’absence de déclaration régulière des charges fiscales, ayant entrainé des taxations d’office. Le fait d’avoir fait subir indument à la société de pénalités et intérêts de retard, ainsi que le fait de ne pas avoir respecté le plan d’apurement établi par l’administration fiscale sont également des fautes de gestion lorsque les manquements constitutifs de fraude fiscale sont antérieurs à la nomination du dirigeant, ce dernier commet une faute de gestion à ne pas tirer les conséquences des manquements dont il est informé[30].
Le non-respect de la législation sociale constitue également une faute de gestion rendant possible la condamnation à réparer l’insuffisance d’actif. Il l’en est ainsi par exemple de l’absence de déclarations régulières des charges sociales, ayant entrainé des taxations d’office[31].
d-Faute de gestion tenant au fait de vouloir Avantager un créancier :
La faute de gestion peut également consister à vouloir avantager un créancier, par exemple en effectuant entre ces mains un paiement préférentiel, alors qu’il connaissait l’état de cessation des paiements du débiteur[32]

Il peut aussi être question de rembourser des avances en comptes courants d’associés, de manière préférentielle par rapport aux autres créanciers. Il peut encore être question de faire payer les salaires du dirigeant au moyen de la prise en charge de ceux-ci par une société débitrice, puis de procéder par voix de compensation entre la créance détenue sur cette société et la société dirigée, privant de la sorte la société dirigée de toute trésorerie[33].
L’inaction peut également être sanctionnée, tel a été le cas pour un dirigeant qui s’est abstenu de mettre en place une structure compétente et des outils de gestion fiables, permettant à la personne morale et à lui-même d’appréhender la situation économique et financière exacte et, en conséquence de prendre en temps utile les mesures de redressement qui s’imposaient.
En l’espèce, cette anarchie totale dans la gestion était à l’origine de l’insuffisance d’actif qui avait ainsi pu se créer et s’accroitre sans que le gérant puisse s’en apercevoir[34].
2- L’équivalence quant à la nature de la faute
Le législateur n’apportant aucune qualification de la faute, la notion reste ambiguë. Dès lors, les juges en ont une interprétation très large, faisant de la faute de gestion une notion « fourre-tout » au regard de la responsabilité du dirigeant, la bonne foi ne constitue pas une excuse, il peut s’agir autant d’une négligence, d’une erreur ou d’une imprudence que la violation de la loi ou des statuts, c’est la théorie de l’équivalence des conditions qui permet ainsi de retenir une simple faute de gestion même légère ou de la loi.
L’article 738 nous parait cependant cohérent. Le législateur s’est montré subtil, d’une subtilité risquée mais mesurée. Le rôle qu’a joué le législateur il l’a fait en amont en posant des conditions sévères et en faisant de l’article 738 un texte sanctionnateur. Il a joué la carte répressive en mettant en garde les dirigeants contre tout écart de conduite de leur part.
Mais, il a laissé en aval un pouvoir quasi souverain aux juges pour alléger, atténuer cette responsabilité et ne pas tuer l’esprit d’entreprise quand on veut faire des affaires il faut savoir prendre des risques et ce n’est pas toujours payant.
Le risque existe qu’à son tour la jurisprudence ne fasse pas des analyses subtiles qui aillent au-delà de la seule équivalence des conditions.
Les fautes retenues sont bien souvent des actes de gestion dont les conséquences sont jugées des années plus tard et auxquels se sont mêlés de nombreux facteurs qui ont dû influer sur le sort de la société.
Car les mêmes faits peuvent aussi bien être qualifiés de faute ou de réussite selon l’évolution de l’environnement économique, et ne constituent pas nécessairement une violation d’une disposition légale, réglementaire ou statutaire, La faute de gestion, peut aussi être une action ou une omission ; librement appréciée par le juge de fond, mais dont les éléments de qualification et de motivation sont susceptibles de contrôle[35].
Dès lors une expansion trop rapide au regard des capacités financières sera jugée fautive une fois l’échec constaté, inversement, si le succès est au rendez- vous, on saluera l’initiative et l’audace du dirigeant.
L’appréciation à posteriori interfère sur la faute de gestion et rend plus délicat l’appréciation de la responsabilité du dirigeant. Il est donc facile d’être sage après les faits, c’est dire que la tâche des magistrats n’est pas aisée.
A l’opposé, il y a des actes de gestion ou la faute existe bien au moment où l’acte est opéré. Ici se poseront moins de problèmes. Car le comportement fautif est ici intrinsèque aux faits, à l’image par exemple du non tenu de comptabilité ou de la violation des statuts.
3-La preuve de la faute de gestion
a- Position du législateur français : « d’une faute présumée à une faute prouvée ».
Le législateur français dans l’article 99 de la loi du 13 juillet 1967 reposait sur une présomption de faute. Il appartenait donc au dirigeant poursuivi de démontrer qu’il n’avait pas commis de faute. Le renversement de la charge de la preuve avait été critiqué [36] souvent de manière excessive et parfois inexacte. En exigeant ce que d’ailleurs les tribunaux retenaient avant même la réforme, que la preuve soit rapportée de la commission d’une faute par le dirigeant poursuivi.
La loi du 25 janvier 1985, Avait replacé le mécanisme dans le droit commun de la responsabilité, l’article L 651.2, dans sa rédaction due à la loi du 26 juillet 2005, confirme ce choix, commun dans ce droit comme dans le droit antérieur, c’est la faute de gestion qui justifie une condamnation à combler l’insuffisance d’actif[37].
La suppression de la présomption de faute par le législateur à travers l’article 180 de la loi de 1985, a le mérite de permettre aux dirigeants de combattre les prétentions des personnes habilitées à agir à armes égales. Une faute même légère suffit, une simple imprudence ou une négligence, mais  la faute de gestion ne peut être déduite de la seule importance du passif social constaté[38] revient au juge du fond d’exercer son pouvoir souverain d’appréciation à défaut de définition précise.
b-Position du législateur marocain
La condamnation suppose ensuite la preuve d’une faute de gestion, le droit marocain a bénéficié à cet égard de l’évolution qui a rythmé le droit français, dans la mesure où il a fait de la faute de gestion une faute dont la preuve doit être apportée.
Les éléments de preuve de la faute de gestion peuvent être puisés dans le rapport d’un expert-comptable, dès lors que ce rapport a été versé aux débats et soumis à un débat contradictoire. La faute peut exister dès la création de la personne morale, par exemple pour cause d’insuffisance des financements réunis par rapports aux investissements à réaliser ou de fixation d’une rémunération disproportionnée par rapport aux résultats prévisionnels, ou encore de défaut de libération intégrale du capital dès la première année alors même que la loi n’en fait pas obligation.
Elle est également constatée, le plus souvent, en cours d’exploitation par exemple : pour cause de poursuite d’une exploitation déficitaire sans prendre les mesures nécessaires, même si la société n’est pas déjà en état de cessation des paiements et alors que sa situation était déjà compromise lorsque le dirigeant a pris ses fonctions, ou encore pour cause d’octroi, irrégulier, par le dirigeant lui- même d’une rémunération (auto-rémunération) et alors que la société était dans une situation difficile[39].
III - Le lien de causalité
Au-delà de l’exigence de la contribution de la faute à l’insuffisance d’actif
« L’exigence d’un lien de cause à effet » est nécessaire (1) notre intérêt, va porter sur une problématique importante, à savoir, le degré de participation de chacun des dirigeants fautifs à la production du dommage (2) en cas de leur pluralité.
1-  L’exigence d’un lien de cause à effet
a-La contribution à l’insuffisance d’actif
L’article 738du code de commerce précise que la faute de gestion doit avoir contribué à l’insuffisance d’actif. Il s’agit ici d’une adaptation de la règle de droit commun de l’article 5 du code civil, qui prévoit un lien de causalité entre la faute et le préjudice subi. Bien que le législateur n’évoque pas explicitement le lien de causalité entre la faute de gestion et l’insuffisance d’actif, le terme « contribuer » fait évidemment penser à ce lien. Selon Françoise PEROCHAN le terme contribuer correspond à une conception lâche du lien de causalité[40]. On pourrait penser que l’objectif du législateur était d’éviter la condamnation systématique du dirigeant à la moindre inobservation de la loi. En effet il est possible de condamner un dirigeant, même si sa faute de gestion n’est que l’une des causes d’insuffisance d’actif[41]

En fait, selon Pierre Michel LE CORRE par l’expression « contribuer », le législateur distend le lien de causalité, en permettant d’écarter le problème des causes plurales du dommage. Il n’est pas besoin que la faute soit à l’origine exclusive du dommage. Pour cette raison, la juridiction qui condamne le dirigeant n’a pas à déterminer la part de l’insuffisance d’actif imputable à la faute de gestion. Il suffit que le fait reproché au dirigeant soit l’une des fautes ayant contribué à la réalisation du dommage, peu important qu’elle soit la cause principale ou unique il en résulte que la faute d’un dirigeant ne permettra pas d’exonérer un autre dirigeant fautif, il en résulte aussi que le fait que les difficultés de la société soient principalement dues à l’attitude de tiers, par exemple les pouvoirs publics, ne peuvent suffire à exonérer le dirigeant des fautes qu’il aurait commises la demande de condamnation ne peut donc être rejetée sans l’examen des fautes invoquées contre le dirigeant. Mais, l’attitude des pouvoirs publics, par exemple, celle d’une commune dans la gestion d’une association sportive, peut conduire à ne prononcer qu’une condamnation minime contre le dirigeant de droit, la commune étant, quant à elle, plus lourdement condamnée, spécialement pour avoir fait des promesses financières non tenues.[42]

b-Le recours à la théorie de l’équivalence des conditions
La lettre du texte de l’article 738du code de commerce énonce que le tribunal peut, en cas de faute de gestion, ayant contribué à cette insuffisance d’actif déclarer le dirigeant responsable et exercer cette action en comblement. Ce qui laisse entendre que le législateur a voulu une interprétation large de cette notion. En renvoyant à la théorie de l’équivalence des conditions[43] il suffit que la faute ait contribué à l’insuffisance d’actif pour qu’elle soit retenu par les juges, peu importe qu’elle ait été légère ou lourde. Il n’y a pas lieu de démontrer qu’elle a été la cause unique ou principale[44].
En fait l’exigence d’une simple contribution permet au tribunal de décider que le dirigeant d’une personne morale peut être déclaré responsable, même si la faute de gestion qu’il a commise n’est que l’une des causes de l’insuffisance d’actif et qu’il peut être condamné à supporter la totalité des dettes sociales, même si sa faute n’est à l’origine que d’une partie d’entre elles[45]. Il suffit, par conséquent, qu’elle soit l’un des éléments intervenus dans la création d’actif.
D’ailleurs, il est souvent difficile d’affirmer que telle faute a été la cause principale de l’insuffisance d’actif en raison de la complexité de la gestion des entreprises : dans la majorité des cas, plusieurs facteurs contribuent à la création de cette situation. Il est par exemple difficile de prouver que la convocation tardive d’une assemblée (qui peut pourtant constituer une faute de gestion) a contribué à l’insuffisance d’actif. En définitive, pour retenir un lien de causalité il n’est pas besoin que la faute soit à l’origine exclusive du dommage.
2-  La pluralité des dirigeants condamnés et la théorie de l’équivalence des conditions
Selon l’article 738du code de commerce140, le tribunal peut en cas de faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, décider que cette dernière, sera supportée, en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous ces dirigeants ou seulement certains d’entre eux. Le pouvoir souverain d’appréciation offert au juge a pour conséquence directe, la possibilité de condamner un ou plusieurs dirigeants, en cas de contribution de plusieurs d’entre eux à la réalisation du dommage.
La juridiction pourra ainsi apprécier le degré de participation de chacun des dirigeants à la production du dommage, sans en avoir cependant l’obligation. Le tribunal peut décider que la condamnation de plusieurs dirigeant soit solidaire. De la sorte, chacun sera tenu dans la limite de sa condamnation à la totalité des dettes mises à charge des autres.
Il s’agit d’une certaine manière de la concrétisation de la faute ayant contribué à l’insuffisance d’actif et par conséquent une manifestation du recours à la théorie de l’équivalence des conditions et le rejet de la notion de la faute ayant causé le préjudice qui nécessite de la part du tribunal une décision motivée d’une manière que la participation de chaque dirigeant à la faute doit être établie avec précision.
Enfin, comme le souligne Thierry MONTERAIN la précision selon laquelle les dirigeants doivent avoir « contribué à la faute de gestion », faute qui a elle- même contribué à l’insuffisance d’actif améliore le sort des dirigeants dont le tribunal devra relever à leur encontre la contribution de chacun à la faute ayant contribué à l’insuffisance d’actif. Le lien de causalité est ici renforcé car applicable à chaque dirigeant »[46].
Partie II : Réalité des pratiques actuelles face à l’action en comblement et résultats de l’action
La pratique actuelle est menée par la jurisprudence avec une grande faculté (I) d’où il ressort en fin de compte un bilan contrasté qui appelle quelques observations (II). Aussi l’action produit quelques effets à ne pas négliger. 
I-Réalité de la pratique jurisprudentielle
1-Etude statistique
Après avoir mené une analyse statistique en la matière au niveau du tribunal de commerce de Casablanca ,144 à l’exception de quelques très rares jugements[47], on peut conclure, qu’il n’y a pratiquement pas d’utilisation de la procédure prévue par l’article 738du code de commerce[48]. Ce que nous regrettons c’est de voir que l’ensemble des tribunaux de commerce n’ont pas tendance à effectuer des poursuites en comblement de passif malgré l’existence de fautes lourdes de gestion.
Alors, pourquoi actuellement ce semi échec ? On est en présence d’une action qui est à la fois répressive et sanctionnatrice, de plus le législateur nous a donné un article qui est l’article 738, qui reste d’une application ridicule par rapport aux autres sanctions personnelles. Quant au tribunal de commerce de Casablanca, il a prononcé en 2015, trois actions en extension, en 2011, cinq actions en extension, en 2010 dix actions en extension, en 2005, 16 actions en extension [49] pourtant aucune application de l’action en comblement n’a eu lieu.


[50]
Ces chiffres sont éloquents pour comprendre l’inapplicabilité de l’action en comblement.
2-Bilan contrasté
Le juge est investi d’un large pouvoir concernant la condamnation du dirigent défaillant, en fait l’article 738 emploie la formule suivante « le tribunal peut » ce qui revient à dire que le tribunal de commerce n’est pas tenu de prononcer une condamnation même si les conditions de la responsabilité du dirigeants sont réunies, ce pouvoir reconnu au tribunal serait inadmissible s’il s’agissait du régime commun de la responsabilité civile, à notre sens ce large pourvoir confié au juge, peut avoir comme conséquence majeure la non application de cette action en responsabilité même si tous les éléments de la responsabilité sont réunies, alors face à l’augmentation des défaillances d’entreprises, avec des insuffisances d’actif de plus en plus élevées, les magistrats se montrent très vigilants face aux dirigeants fautifs.
II : Les résultats de l’action en comblement de l’insuffisance d’actif
Le large pouvoir d’appréciation laissé aux tribunaux quant à la condamnation du dirigeant fautif, a pour effet à notre avis d’atténuer la portée du titre V du livre V du code commerce[51].
D’autant que l’action en comblement du passif à vocation à s’appliquer dès qu’il y a ouverture d’une procédure collective, peu importe qu’elle aboutisse à une liquidation ou à un plan de continuation, il convient alors de préciser les résultats de l’action, d’une part à l’égard des dirigeants (I)  d’autre part à l’égard des créanciers (II).
 
 
 I : En ce qui concerne les dirigeants
On étudiant le régime de l’action en comblement de l’insuffisance d’actif qui se veut excessif, on peut être dans un premier temps surpris, puis par la suite compréhensif, de la grande liberté qui a été laissée aux tribunaux, chose qui est susceptible de contrebalancer des textes qui se veulent répressifs, alors qu’ils sont inatteignables tant en ce qui concerne les dirigeants condamnés (1) qu’en ce qui concerne les créanciers (2). 
1-La condamnation des dirigeants
a-La détermination des dirigeants condamnés
Tout d’abord, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer la sanction à l’égard de ou des dirigeants quand bien même seraient remplies les conditions de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, il n’est pas tenu de prononcer la sanction à la différence du droit commun, la loi confère au juge une faculté mais ne lui crée pas d’obligation de condamner. Même en présence d’un retard pour déclarer la cessation ayant pu contribuer à l’insuffisance d’actif les juges du fond peuvent au motif de leurs pouvoirs d’appréciation, considérer que cette faute ne suffit pas à justifier la condamnation du dirigeant[52].
En revanche, le dirigeant peut être déclaré responsable sur le fondement de l’article 738 du code de commerce, alors même que sa faute de gestion ne constitue qu’une des causes de l’insuffisance d’actif, et être condamné à supporter entièrement ou partiellement les dettes sociales, cette faute n’étant à l’origine que d’une partie d’entre elle[53]. En cas de pluralité des dirigeants l’article 738 dispose que le tribunal peut décider que l’insuffisance d’actif sera supportée en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants ou seulement certains d’entre eux[54].
La juridiction qui constate la contribution de plusieurs dirigeants à la réalisation du dommage peut décider d’en condamner un ou plusieurs. Le pouvoir d’appréciation de l’opportunité de la condamnation ouvert au juge du fond a pour corollaire cette possibilité, la juridiction pourra ainsi apprécier le degré de participation de chacun des dirigeants à la production du dommage, sans en avoir cependant l’obligation.[55] La condamnation de plusieurs dirigeants pourra être gradée afin de tenir compte de la plus au moins grande implication dans la réalisation du dommage ou encore de la plus ou moindre grande expérience des affaires des dirigeants condamnés. Il s’agit à notre avis d’éviter de condamner solidairement des dirigeants n’ayant plus le même degré d’implication dans la faute. C’est d’une certaine manière remplacer, pour une condamnation solidaire, la notion de faute ayant contribué à l’insuffisance d’actifs par celle de faute ayant causé le préjudice, chacune des fautes commises par chacun des dirigeants étant alors pour partie éventuellement variable, la cause du dommage. Le législateur Français, dans la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005[56], à la suite d’un amendement présenté par la commission des lois du Sénat, a prévu qu’en cas de condamnation solidaire, le tribunal devait statuer par décision motivée. Il a été expliqué que, la participation de chaque dirigeant à la faute pourrait être établie avec certitude[57] il s’agit à notre avis d’éviter de condamner solidairement des dirigeants n’ayant plus le même degré d’implication dans la faute.
C’est d’une certaine manière, remplacer, pour une condamnation solidaire, la notion de faute ayant contribué à l’insuffisance d’actif par celle de faute ayant causé le préjudice, chacune des fautes commises par chacun des dirigeants étant alors pour partie éventuellement variable, la cause du dommage. Le législateur français a posé dans la loi de sauvegarde des entreprises en difficultés[58] une condition selon laquelle, il faut que les dirigeants aient affectivement contribué à la faute de gestion, ce qui implique de mettre en évidence le rôle de chacun des protagonistes sans se borner à constater une faute collective[59].
Le large pouvoir d’appréciation dont disposent les juges dans ce cadre a fait l’objet de diverses interprétations. Certains auteurs ont considéré que cette liberté d’appréciation présentait de nombreux avantages car elle autorise une appréciation subtile tenant compte de la gravité des fautes en présence, et d’incidence plus ou moins directe sur l’insuffisance d’actif, mais aussi de l’importance absolue ou relative de celle-ci.
En revanche, pour le professeur Mascala, cette liberté peut paraître contraire au principe de proportionnalité de la sanction à la faute. En effet, il affirme que la méconnaissance du principe de proportionnalité par les juges du fond, caractérisée par la différence entre la gravité de la faute de gestion et le montant de la sanction mise à la charge des dirigeant pourrait fonder un recours devant la cour européenne des droits de l’homme[60].Pour sa part le professeur Sortais évoque un risque d’arbitraire[61]. Mais pour d’autres auteurs, si le législateur a accordé cette liberté aux juges, c’est dans le but d’éviter de responsabiliser les administrateurs minoritaires, en laissant au juge toute la faculté d’apprécier les efforts des uns et des autres pour s’opposer à une erreur de gestion.
b- Le montant de la condamnation
Le tribunal dispose également d’une grande latitude dans la détermination du montrant de la condamnation en tenant compte implicitement et contrairement aux principes de la responsabilité civile, de la gravité des fautes.
Ce pouvoir souverain d’appréciation en opportunité du montant de la condamnation affirme le caractère répressif plus que réparateur de l’action[62]. En fait s’il prononce la sanction, le tribunal fixe le montant de la réparation due par les dirigeants fautifs. Il décide que les dettes de la personne morale sont entièrement ou partiellement supportées, conjointement ou par décision motivée avec solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d’entre eux seulement[63]  il établit enfin la part de responsabilité de chacun d’eux et la somme mise à leur charge, selon la gravité de leurs fautes, la proportion dans laquelle les fautes ont contribué à l’insuffisance d’actif, leur situation personnelle, voire familiale, et leurs facultés contributives. L’un des dirigeants fautifs peut être tenu solidairement d’une partie de la dette avec l’autre, alors que ce dernier peut être tenu pour le tout[64].
La pratique montre que les tribunaux sont peu enclins à une condamnation systématique à la totalité de l’insuffisance d’actif. Tout dépendra s’il y a faute, incompétence poursuite abusive.
Le comportement du ou des dirigeants, de droit ou de fait, sera le point de mire de l’attitude du juge dans le prononcé de la condamnation[65]. Se singularise encore en ce qui concerne le sort des condamnations puisque celle-ci ne sont pas directement versées du dirigeant responsable au créancier mais intègre le patrimoine de l’entreprise.
2-Affectation des sommes
En application de l’art 738 du code de commerce, les sommes auxquelles les dirigeants peuvent être condamnés « entrent dans le patrimoine du débiteur » et sont réparties au Marc le franc entre tous les créanciers[66] c'est-à-dire au prorata de leurs créances, abstraction faite de tout droit de préférence, et donc en particulier du rang prioritaire des créances super privilèges. Cette réparation égalitaire et universelle est dénuée de tout fondement juridique[67]. Le professeur Martin-Serf écrit très justement que « si les sommes entrent dans le patrimoine du débiteur, elles devraient être partagées en tenant compte des causes de préférence … ».[68]

L’article 738 prévoit deux issues possibles pour les sommes payés par les dirigeants après leur condamnation.
On distingue deux situations, soit un plan de cession ou de liquidation est adopté soit un plan de continuation est retenu.
II - En ce qui concerne les créanciers
Afin de dépasser les controverses qu’étaient apparues sur le sort à réserver aux sommes versées par le dirigeant la loi 15-95 formant code de commerce a tranché dans l’article 738 le sort des sommes versées par le dirigeant condamné (1) Aussi elle a prévu la sanction qui pourra être infligée au dit dirigeant en cas de la non-exécution de sa condamnation (2).
1-Sort des sommes versées
a-En cas de continuation
En cas de continuation de l’entreprise, les sommes sont affectées selon les modalités d’apurement du passif. En principe l’intervention d’un plan de continuation suppose le règlement des créanciers. Il est donc logique que le législateur n’ait plus prévu des droits aux créanciers sur les sommes versées.
Il faut noter que dans le cadre d’un plan de continuation, les sommes sont versées par d’anciens dirigeants, car en principe il se peut y avoir d’action en comblement quand les dirigeants conservent leurs fonctions au sein de l’entreprise. Les sommes versées doivent être utilisées aux fins d’aider au redressement de l’entreprise, ce qui semble exclure les créanciers postérieurs qui ne sont pas concernés par le plan. Cette issue n’est pourtant pas concevable en l’absence de dispositions claires et précises visant à écarter cette priorité des paiements, du fait que ces sommes entrent dans le patrimoine du débiteur. En effet, puisqu’elles intègrent le patrimoine du débiteur on ne voit pas pourquoi elles n’entraient pas dans l’assiette des priorités des créanciers postérieurs[69].
Pour Y. GUYON l’issue de cette condamnation, en cas de continuation reste mystérieuse et insensée[70].En effet celui-ci relève une véritable incohérence. Car selon lui, s’il y a un plan de continuation c’est que tout le passif a été payé. Or, si celui-ci a été payé il n’y a pas d’insuffisance d’actif alors l’une des conditions de l’article 738 n’est pas remplie.
b-En cas de cession ou de liquidation
L’article738[71] stipule que les sommes versées doivent être réparties entre tous les créanciers au Marc le franc » solution équitable qui tend à vouloir donner aux créanciers chirographaires169 une chance de ne pas tout perdre mais qui n’a aucun fondement juridique. Car, le principe est que les sommes entrent dans le patrimoine du débiteur, donc dans le gage général des créanciers, ce qui suppose que l’on tienne compte des privilèges. Or, au mépris de cette règle les créanciers antérieurs à l’ouverture de la procédure se trouvent au même point que les créanciers postérieurs sensés bénéficier de la période accordée[72]. Alors quel sort donner aux créanciers de l’article738 du code de commerce ?
Il semble difficile que l’on puisse sacrifier des créanciers qui sont appelés à assurer la survie de l’entreprise, et de nombreux auteurs sont pour le maintien du rang prioritaire des créanciers de l’article738. D’autant que cet article dispose qu’en cas de liquidation, ces créances seront payées avant toute autre. [73]A notre avis l’article se doit prioritaire car le but ici est d’assurer la continuation de l’entreprise, même s’il est vrai que l’article 738 postule clairement une égalité sans pour autant distinguer entre créanciers chirographaires antérieurs et créanciers postérieurs.
D’où la nécessité d’une modification de l’article et donc d’un classement entre créanciers antérieurs et postérieurs.
2-La sanction de la non-exécution de la condamnation
Il se peut que le dirigeant soit dans l’impossibilité de payer les sommes dont il est redevable en vertu du jugement ordonnant le comblement de passif, malgré que ces dits jugements soient exécutoires de plein droit. En réaction à une telle situation, le législateur a prévu trois sortes les sanctions qui sont applicables aux dirigeants qui ne s’acquittent pas de la dette mise à leur charge par l’action en comblement de passif.
Ils sont tout d’abord exposés à une extension de procédure de redressement ou de liquidation de bien en application de l’art 739 du code de commerce[74]. Cependant, une question se pose, est-ce bien adopté de mettre en redressement ou en liquidation judiciaire un dirigeant qui n’a pas exécuté sa condamnation en comblement de passif ? Cela nous semble inutile, car par hypothèse si la personne n’a pas payé, c’est qu’elle n’a pas d’argent ou tout au moins d’argent apparent.
Le tribunal doit ensuite prononcer la déchéance commerciale, en vertu de l’art 748[75] du code de commerce qui emporte interdiction de diriger, gérer administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale et toute société ayant une activité économique.

Ils sont enfin punissables pénalement des peines de banqueroute. Cette mesure se justifie par le fait que le dirigeant peut organiser son non-paiement en confluant tout ou partie de son patrimoine c’est pourquoi il peut être condamné aux peines de banqueroute, cet article vise alors à condamner les dirigeants qui de mauvaise foi, détournent ou dissimulent ou tentent de dissimuler, tout ou partie de leurs biens, en vue de les soustraire aux poursuites de la personne morale en état de redressement judiciaire.

 



[1] D. VIDAL, droit de l’entreprise en difficulté, Gualino 3éme édition 2010. P : 313.

[2] Mounia Rhoumri Mounir : « La politique pénale en vertu du livre v du code de commerce » RER Juri, N° 2 2018. P : 170.

[3] Le code de commerce de 1913, traitait dans son livre 11, à la fois de la faillite, de la banqueroute, de la liquidation judiciaire et de la réhabilitation, sur les 193 articles de ce livre, deux articles étaient réservés à la faillite commune (l’art 197 et l’art 361), dix-huit articles à la banqueroute (de l’art 362 à l’art 379) mais qui comportent uniquement des incriminations sans être accompagnées de sanctions, et enfin dix articles à la réhabilitation (de l’art 380 à l’art 389).

M. Jaouhar « les sanctions applicables aux dirigeants dans cadre des procédures collectives » revue marocaine de droit, d’économie et de gestion, n° 52, 2006. P : 36.

[4] La loi n° 73-17 du 19 Avril 2018, promulguée par le dahir n° 1-18-26, B.O- n° 6732, abrogeant et remplaçant le livre V de la loi 15-95 formant code de commerce relatif aux difficultés de l’entreprise.

[5] A. FALLI, procédure de traitement des difficultés de l’entreprise DAR ASSALAM, Décembre e 2012. P : 355.

[6] Art 739 de la loi 73-17, op.cit.

[7] F.PEROCHON et R BONHOMME,  entreprise en difficulté, instrumente, de crédit et de paiement LGDJ 7ème édition 2006 . P : 569

[8] M. C. CAQUELET, entreprise en difficulté instruments de paiement et de crédit Dalloz 7ème édition, 2009. P :352.

[9] D. R. MARTIN, droit commercial et bancaire Marocain Al Madani, 1ère édition 1999. P : 370.

[10] B. SOINNE : traité théorique et pratique des procédures collectives, LITEC 1987. P : 1103.

[11] Com 25 mai 2018 pourvoir, n° 17.10.117 com 24 janvier 2018, pouvoir n° 15 – 26810. 16-17803 l Publié sur le site : intranet.cour-de-cassation.intranet.justice.fr consulté le : 01/11/2022. A 20h20.

[12] Com. 28 avr 1998 n° 95-21-969, RTD com 1999, 187, obs. Aloude, Defrénois 1998. 948, note. P. Le cannu, Rev. Proc.coll. 2000. P : 49.

[13] Jug. Tri com de Casablanca n° 1014/34 du 23 /202/2010, cité par A. FALLI, op ; cité. P : 358.

[14] Voire dans ce sens : A. EL HAMMOUMI, op ;cité. P : 145.

[15] F. DERRIDA, P GADE et J.P SORTAIS: Redressement et liquidation judiciaire, 3ème édition 1991.P :58.

[16] Com 28 mai 1991, n° 89.21 116 Bull ci IV 187 cité par Pierre Michel le corre, droit et pratiques des procédures collectives 2013 -2014 , P : 922.

[17] Qui condamnait déjà de limiter la condamnation au montant de l’insuffisance d’actif.

[18] Com 27 juin 2006 n° 05. 11 690 cité par Française op ; cité. P : 824.

[19] A. CHOKRI SABAI, op.cit. P : 381.

[20] A. JACQUEMONT, droit des entreprises e difficulté Lexic Nexic 7ème édition, 2011.P: 59.

[21] F. PEROCHAN, op.cit. P : 824.

[22] S. HADJI, Artinian : la faute de gestion en droit des sociétés, Litec, 2002. P : 125.

[23] Com 26 février 2020, pouvoir n° 18 – 24 188. Publié sur le site : intranet.cour-de-cassation.intranet.justice.fr consulté le : 01/11/2022. A 21h40.

     Com 24 mars 2021, pouvoir n° 19 -21, 471. Publié sur le site : intranet.cour-de-cassation.intranet.justice.fr consulté le : 01/11/2022. A 21h45.

[24] P. M. LE CORRE, op ; cité . P : 921.

[25] L. EL KASSID : « Les procédures collectives dans le cadre des difficultés d’entreprise » Al MEIAR n° 48, décembre 2012, P : 78.

[26] La cour d’appel de commerce de Fès a considéré que le fait pour le dirigeant de déposer la marchandise ( le fourrage) dans une ferme dont la propriété lui appartient sous prétexte que la superficie du siège de la société est insuffisante pour constituer une faute de gestion, justifiant l’application de l’action en comblement de l’insuffisance d’actif, cité par : Allal Falli, op ;cité. P : 360.

[27] P. R. GALLE, op ;cité. P : 753.

[28] Com. 14 décembre 1993, n° 91. 20 839 cité par F. F. DE FRANDEVILLE. Ambroise marlage dirigeants des sociétés Delmas 3ème édition 2015, op.cit., P : 313.

[29] Com. 18 mai 2016, n0 14-16.895, bul. Joly 2016, E. Monil Bassilama. P.65.

[30] P. M. LE CORRE, op ;cité. P : 920.

[31] Com 13 nov 2007 n° 06 -13- 2012 NP n° 1239 F- D gaz pro coll 2008, p. 68 note Monterau [PierreMC].

[32] Com 11 juin 1996 n° 94 – 16067 bull civ IV n° 169. Rev pro coll 1997, n° 2, P : 243 060 matin cerf

[33] Pierre Michel le Corre, op ;cité . P : 922.

[34] Com 14 décembre 1993 n° 91, 20 239. Bull ci Iv n 473 JCP 1994 Iv 480, 62. JCPE 1994, par cité note Fabrice François, E. DE FRONDEVILLE Ambroise Marlang, op.cité. P : 313.

[35] Arrêt de la cour d’appel de Marrakech n° 08/2002 du 06/02/2002, Cité par : A. EL HAMMOUMI, droit des difficultés de l’entreprise, librairie Dar ASSALAM, 3ème édition, 2008. P :176.

[36] La présomption de faute qi existait entrainait un renversement de la charge de la preuve par rapport aux principes de la responsabilité du droit commun, il n’incombait pas au demandeur de prouver la gestion fautive, ni son lien avec l’insuffisance d’actif, c’était donc au dirigeant de prouver qu’il avait apporté à la gestion de la société toute l’activité et la diligence nécessaire.

[37] M. JEANTIN, Paul LE CANNU : droit commercial entreprise en difficulté, Dalloz, 6.7ème édition 2006, P : 788.

[38] Com. 19 jan 1993, RJDA 7/1993, n° 660-com. 8 octobre 2003, RJDA 2004, n° 203. P : 70.

[39] André JACQUEMONT, droit des entreprises difficulté, op.cit. P : 600.

[40] F. PEROCHON, Régime Bonhomme, op.cit. P : 464.

[41] Com. 17 février 1998, n° 95-18.510, Bull.ci. IV, n° 78 – com 21 juin 2005, n° 04-12.087, Bull.ci IV n° 134.

[42] P.M. LE CORRE, op ;cité. P : 2477.

[43] M. ESSARSAR, la responsabilité des dirigeants d’entreprise dans la procédure de traitement des difficultés de l’entreprise, sans année, Ed, P :663

[44] On adoptant la théorie de l’équivalence plutôt que celle de la causalité adéquate , le texte admet que tous les évènements qui ont conditionnés le dommage sont équivalents, en ce sens que tous en sont au même titre la cause.

[45] A. JACQUEMONT, droit des entreprises en difficulté, op.cité. P : 601.

[46] François PEROCHAN, op ; cité. P : 826.

[47] Jug. Tri com de Rabat n° 108 Dossier n° 116/ 18 / 2009 du 29/09/2010 non publié.

[48] Loi n° 15-95 formant C.com.

[49] On a effectué même une recherche dans les registres du tribunal

[50] Statistique émanant du tribunal de commerce de Casablanca. 

[51] Loi n° 15-95 formant C.com. tel que complétée et modifiée par la loi n°73.17 op.cit. P :14.

[52] D. GIBINILA op. cité. P : 665.

[53]A notre sens l’originalité de cette action par rapport au droit commun de la responsabilité civile c’est le pouvoir d’appréciation inhabituel dont dispose le tribunal.

[54] Article 738 du code de commerce.

[55] N. ALBAKOURI, « la responsabilité des dirigeants d’entreprise en difficulté » Al MANAR, n°3, 2013, P : 15.

[56] La loi n° 2005-845, de sauvegarde des entreprises. op.cité.

[57] En fait de ce dernier n’est pas tenu condamner le dirigeant lorsque les conditions de cette condamnation sont réunies et peut donc prendre en considération la gravité de la faute reprochée au dirigeant.

[58] D. GIBRILA, op.cit. P : 666.

[59] P. Roussel GALLE, op.cit. P : 762.

[60] J PEROCHON, BONHOMMER, entreprise en difficulté, instruments de crédit et de paiement. Lextenso édition. P : 660.

[61] Sortais, 2002. P : 321.

[62] A. JACQUEMONT, droit des entreprises 8ème édition lexis Nexis. P : 615.

[63] Art 738 : lorsque la procédure concernant une société commerciale fait apparaitre une insuffisance d’actif, le tribunal peut en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que cette derrière sera =supportée en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous ses dirigeants ou seulement certains d’entre eux.

[64] Com. 9 mai 2018, n° 16 26.674, D. 2018, actu 1005

- com 8 mars 2017, n° 15 – 16. 005 ; D. 2017 actu 566.

[65] D. GIBIRLA, op.cit. P : 667.

A notre sens, face à ce pourvoir d’appréciation conféré aux juges, le risque est grand d’un arbitraire judiciaire, mais on peut se demander si les tribunaux n’ont pas leurs propres barèmes de référence …, chose qui nous semble souhaitable.

[66] A notre sens, cette action en responsabilité se singularise aussi en ce qui concerne le sort

des condamnations, puisque celles-ci ne sont pas directement versées du dirigeant responsable au créancier mais intègre le patrimoine de la société débitrice.

[67] F. PEROCHAN, Op,cité. P : 829.

[68] M. SERF, l’intérêt collectif des créanciers ou l’impossible adieu à la masse Mél.  Honorat, 2000. P : 155.

[69] M. ESSARSAR, op ; cité. P : 660.

[70] Y. GUYON, traité de droit commercial, op ; cité. P : 1382.

[71] De la loi 73-17 Op, cité. P : 14.

[72] Le créanciers chirographaires est un créancier simple, c'est-à-dire ne disposant d’aucune garantie particulière privilège, nantissement, hypothèque lui permettant d’être payé avant les autres créanciers sur le prix de vente des biens de son débiteur. Il dispose seulement comme garantie du paiement de sa créance, de l’ensemble des biens actuels et à venir de son débiteur.

[73] M. EL ESSAROR, op.cit. P: 660.

[74] L’art 739 : tel que complétée et modifiée par la loi n°73.17 op.cit. P96 formant C.com. -La loi n° 15

[75] L’art 748, tel que complétée et modifiée par la loi n°73.17 op.cit. P : 14.


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